Les routes de Yemoja
Laeila Adjovi


« Elle se dit fière que sa foi se soit
« répandue et multipliée » dans le
monde entier. Ouidah, Bénin ».

- Laeila Adjovi


La photographie de Laeila Adjovi représentant Denandi en Mamissi - un culte de Mami Wata - s’inscrit dans ce thème de la migration, de la résilience et de la continuité spirituelle au sein de la diaspora africaine. Mami Wata est une divinité de l’eau (Yemọja est son équivalent yoruba), et le culte de ces deux divinités a survécu aux horreurs du Middle Passage (Passage du milieu ou traversée de l’Atlantique par les esclaves) et s’est développé de l’autre côté de l’Atlantique, symbolisant ainsi la résilience des traditions spirituelles africaines. Bien que Mami Wata et Yemọja soient issues de systèmes spirituels différents, elles incarnent toutes les deux l’élément de l’eau en tant que pouvoir de transformation et sont liées à la figure maternelle.

L’image de Denandi représente la fusion syncrétique des systèmes spirituels africains et souligne la façon dont la mémoire culturelle et les héritages spirituels ont voyagé et se sont adaptés à travers la diaspora africaine. En intégrant ces divinités de l’eau, l’exposition explore plus avant le concept de migration, non seulement en tant que mouvement physique, mais aussi en tant que voyage spirituel et culturel qui a façonné l’identité africaine à travers le temps et l’espace. Ainsi, les oeuvres d’art, comme la cuisine elle-même, deviennent des points d’entrée dans un récit plus large de résilience, de survie et de la nourriture qui vient du souvenir et de la répétition de nos histoires.
Les propres mots de Denandi résonnent profondément avec ce message. Elle déclare avec fierté que sa foi s’est « répandue et multipliée » dans le monde entier, ce qui reflète l’accent mis par l’exposition sur les conversations transgénérationnelles et l’importance de la narration. Sa déclaration reflète la célébration par l’exposition de la manière dont les pratiques spirituelles africaines - telles que la vénération de Mami Wata et de Yemọja - ont évolué au-delà des frontières géographiques. Cette diffusion de la foi et des traditions représente la survie et la force des cultures africaines qui, malgré le traumatisme des migrations forcées, continuent de prospérer et de se développer dans le monde entier.

L’oeuvre d’Adjovi, L’influence de l’Ifẹ̀ , carte sur parchemin (2018), est essentielle au thème de la migration de l’exposition. La carte richement symbolique dépeint les voyages physiques des Africains pendant la traite transatlantique des esclaves ainsi que les éléments spirituels, culturels et intellectuels qu’ils ont emportés avec eux. Dans son poème d’accompagnement, Adjovi pose la question de ce que les Africains ont apporté avec eux et la réponse est : « Leurs connaissances. | Leur culture. | La dignité qu’on leur refusait. | Les divinités qu’ils portaient sur leur ‘ori’ (tête) ». Ces mots expriment les aspects invisibles mais puissants de l’identité qui ont perduré et se sont transformés au fil du temps.



Qu’est-ce que les Africains ont apporté
avec eux lorsqu’ils
ont été forcés de traverser la mer
pendant la traite transatlantique des
esclaves ?
Leurs connaissances. Leur culture.
La dignité qui leur était refusée. Les
divinités qu’ils portaient sur leur «ori»
(tête).

- Laeila Adjovi
L’exposition présente également une installation sonore de 8’40» min d’Adjovi intitulée Atunwa (2018). Montée par l’artiste, cette pièce est dérivée d’une bande sonore originale sénégalaise intitulée Gëëj du musicien Daba Makourejah, accompagnée des chants d’Afrekete de Suilen Mercedes Torres Mederos et de sa mère, Teresa Mederos Gomes (Cuba). L’oeuvre approfondit l’exploration de l’exposition sur la migration et la résilience, reflétant la continuité spirituelle entre les traditions africaines et afro-cubaines. Cette oeuvre rend hommage à la résilience des connaissances ancestrales et des pratiques spirituelles. Le chant Oberere, assimilé au retour cyclique d’un oiseau, fait écho aux voyages des Africains réduits en esclavage qui, de corps ou d’esprit, retrouvent toujours le chemin de la maison.



Laeila Adjovi

Benin

Laeila Adjovi (née en 1982) est une artiste et conteuse béninofrançaise basée au Sénégal. Elle est écrivaine, photographe, plasticienne et chercheuse. Ses principales préoccupations tournent autour des frontières, de l’hybridité, des identités multicouches et de la transmission de l’héritage culturel africain par les femmes. En 2018, elle a reçu le Grand Prix Léopold Sédar Senghor de la Biennale de Dakar pour son projet de photographie et de poésie Malaïka Dotou Sankofa. Au cours des dernières années, son travail a été exposé à l’échelle internationale, notamment au Sénégal, en Éthiopie, au Maroc, au Bénin, en France, en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Royaume-Uni, à Cuba et à Taïwan.

Depuis fin 2018, elle travaille entre le Nigéria, le Bénin et Cuba sur un projet transdisciplinaire sur les rites des divinités Yoruba et Ewe - Fon. Cette exploration académique et artistique l’a amenée à entamer la rédaction d’un doctorat en 2021. Sa thèse s’intitule The Roads of Yemoja : Nomadic Spirituality, Oral Transmission, and Cultural Resistance (Les routes de Yemoja : spiritualité nomade, transmission orale et résistance culturelle).




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