Introduction à la Masculiniteé Positive

(extrait du ebook Activiste de Facebook publié en mai 2023)


par Gloire Wanief

14 minutes de lecture


Les nouvelles sociétés dans lesquelles nous évoluons mettent en avant un nouveau paradigme auquel les hommes ne sont pas préparés et cette préparation passe par l’éducation. De nombreux hommes se considérant comme antiféministes ou autres termes affiliés, pointent du doigt certains phénomènes de société vécus par les hommes tels que :

  • Le silence des médias à propos des hommes victimes de viol ;

  • Les violences physiques, morales et économiques ;

  • Le refus de la garde parentale des enfants aux pères ;

Pour ne citer que ceux-là.

Ces problèmes sont réels et ont un impact néfaste sur les hommes. Effectivement, l’on ne peut pas nier l’incidence du féminisme sur ces problèmes. Sauf qu’il serait faux de considérer que tous ces problèmes sont de la faute du féminisme. Bien au contraire tous ces problèmes sont les dessous du patriarcat, c’est ce qui se cache sous le manteau de la virilité. Et l’incidence du féminisme, c’est qu’avec ce mouvement, les femmes ne servent plus de tapis pour cacher toute cette crasse. En effet, comme tout système de domination, le patriarcat repose sur les personnes dominées, ici les femmes, d’où la notion de soumission qui est, littéralement, l’action de se mettre en dessous. Toutes les failles, tous les défauts, des hommes étaient masqués et tolérés par les femmes pour que cette image de force et de grandeur demeure pérenne. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas, les femmes ont décidé de relever la tête et la table se renverse.

La masculinité toxique, qui est l’ensemble des aspects néfastes des caractéristiques sociales qu’on attribue aux hommes, a toujours été présente : les hommes ont toujours été violés, les hommes ont toujours été battus, les hommes ont toujours perdu la garde de leurs enfants. 

Mais ces sujets n’étaient pas abordés et ne le sont toujours pas pour la simple raison qu’en parler reviendrait à admettre que l’homme est faible et ce serait incohérent avec toute cette propagande millénaire sur la puissance de l’homme. Imaginez vous-même, si demain à la télévision, Vladimir Poutine racontait un viol qu’il aurait subi lorsqu’il était enfant. Comment vous sentiriez-vous à l’instant ? 

Imaginez que sur un plateau de télévision, des hommes se confiaient, la larme à l’œil, sur les violences conjugales qu’ils subissaient et les autres difficultés à propos de la vie de famille, la vie de couple ainsi que tous les fardeaux du quotidien reposant sur les frêles épaules de ces messieurs, en disant qu’ils n’arrivaient plus à supporter ? Imaginez un peu cela, pensez-vous que c’est possible ?

En 2021, j’ai vu sur Twitter la vidéo d’un homme fouetté jusqu’au sang par une femme. L’homme était d’un certain âge, il était complètement nu et sa souffrance transpirer sur l’écran. Cette vidéo a été postée par un homme qui disait en substance que l’opinion publique ne va qualifier cette scène de violence conjugale que si et seulement si l’homme avait, à un moment donné, essayé de se défendre en frappant la femme à son tour. Il avait raison de le dire et dans de nombreuses situations de ce genre, c’est ce qui se passe. D’ailleurs, tous les hommes dans les commentaires allaient dans le même sens et chaque jour c’est la même chose, les hommes, plutôt que de parler ouvertement des violences qu’ils subissent, passent leur temps à accuser le féminisme de ne pas parler d’eux.

D’abord, il est faux de dire que les féministes ne parlent pas des hommes. S’il y a des mouvements sociaux qui s’intéressent réellement aux problématiques des hommes en tant que genre, groupe social, c’est bien ceux qui ont un fondement féministe. 

Parce que le féminisme s’intéresse aux questions de genre, aux rôles de chaque individu en fonction de s’il est un homme ou une femme. Mais surtout de l’impact que cela a sur l’individu.

Ensuite, accuser le féminisme est totalement contre-productif. Je suivais il y a quelques années en arrière la chaîne YouTube d’un homme qui avait été victime de viol et qui militait pour que ce sujet soit mis sur la table. Mais toutes les vidéos de lui que j’ai regardées ne servait qu’à démontrer les failles du féminisme et jamais il n’a vraiment traité le sujet du viol des hommes. Aucun témoignage de victimes, aucune constitution de groupe de discussion. Absolument rien. C’est surtout contre-productif parce que ce n’est pas à cause du féminisme que l’on ne parle pas des hommes violés dans les médias, non pas du tout. C’est à cause du patriarcat qu’il y a ce silence, ce tabou autour des souffrances des hommes. Ne pas parler des souffrances des hommes contribue à maintenir le patriarcat et non à faire avancer le féminisme. Il est vrai que les féministes s’attardent beaucoup plus sur les problématiques qui touchent les femmes, mais c’est parfaitement normal. 

C’est son rôle, c’est ce à quoi ce mouvement répond et on ne peut pas en vouloir à un aigle de ne pas être un chat juste parce qu’on a du mal à l’apprivoiser. Car c’est ce que veulent ces gens : apprivoiser le féminisme, les femmes. Ce comportement est juste une continuité de la logique de domination du patriarcat et cela ne nous mènera nulle part ailleurs que vers la perpétuation de nos tares et de nos souffrances individuelles et collectives.

Il faut que nous, hommes, surtout ceux qui se disent pour l’égalité des sexes, prenions la responsabilité de sensibiliser les autres hommes sur la condition masculine. Il faut créer des groupes de parole pour que nous puissions exorciser nos démons et évacuer nos frustrations en toute quiétude. Ce genre d’espace n’existe pas, pourtant les hommes qui veulent se confier sont plus nombreux que ce que l’on pourrait croire.

Voyez-vous, ce plateau télé dont j’ai parlé plus haut, c’est ce qu’il nous faut.

On dit souvent que les hommes ne doivent pas pleurer, mais après la victoire du Sénégal à la CAN, pendant toutes les compétitions sportives d’ailleurs, nous voyons des hommes pleurer librement. Cela prouve que le problème, ce n’est pas le fait de pleurer. Le problème, c’est le fait de pleurer dans les situations qui montrent de la faiblesse. Or le football, les sports en général, sont de hauts lieux de démonstration de virilité et pleurer dans ces situations-là n’est en aucun cas une preuve de faiblesse.

Nous devons démystifier le mâle pour soigner le mal à la racine. L’homme doit être dépossédé de sa couronne ou si vous préférez une version moins violente, la couronne de l’homme doit être débarrassée de ses épines. C’est la seule issue possible pour tendre vers une masculinité positive.

Vous me demanderez certainement ce que je fais à mon niveau pour aboutir à cette masculinité positive. Je pourrais vous dire que ce n’est ni l’heure, ni l’endroit pour en parler, mais je suis bien obligé de répondre vu que j’ai tout seul voulu charger cette affaire. Concrètement, tout ce que je fais, c’est d’en parler, d’essayer d’en parler de plus en plus et je dois avouer que c’est compliqué. C’est surtout compliqué à cause du regard que les hommes pourraient avoir sur moi. Le regard qu’ils ont déjà sur moi. Comment aborder ces sujets, comment discuter de ces choses avec des gens, qui toute leur vie durant, n’ont jamais eu l’occasion, le droit de parler d’eux-mêmes, de se livrer à d’autres ? Il n’y a qu’avec les femmes que je me sens à l’aise d’en parler, de faire ce travail autour d’une discussion.

En présence des hommes, je n’y arrive pas, j’ai peur d’être jugé, j’ai peur d’être moqué. Je ne suis pas encore sorti de la validation masculine, car oui, les hommes aussi sont soumis à la validation des autres hommes, mais surtout de l’homme dans le sens de la figure du patriarcat, le patriarche auquel tous les hommes doivent ressembler. C’est pourquoi, il faut tuer cet homme et chacun doit commettre son propre homicide intérieur : le jihad du cœur. Et le mien, j’ai décidé de le faire sur la place publique à travers ce texte et mes actions qui sonnent la mort de l’homme en moi, de la figure du patriarcat en moi, la mort de la virilité, la mort du silence sur les abus sexuels.

Nous, africains, sommes un peuple en souffrance, le rire masque nos douleurs, l’ivresse masque nos douleurs, la paresse masque nos douleurs, le divertissement masque nos douleurs. C’est pourquoi nous sommes champions là-dedans. Nous avons vécu beaucoup d’atrocités, notre histoire est jonchée de cadavres, les autres nous ont fait souffrir, les nôtres ont fait idem, nous n’avons plus confiance en personne, nous sommes des enfants apeurés, cachés dans le placard jusqu’au moment de devenir adultes où nous sommes obligés d’affronter le dur monde extérieur. Nous avons vu les plus courageux et courageuses d’entre nous périr brutalement, nous avons vu les plus intelligents et intelligentes d’entre nous devenir des traîtres, nous avons vu nos petites victoires se transformer en malédiction, nous avons donc peur de nous rebeller.

Chacun d’entre nous n’a pas confiance en lui-même, ce qui rend difficile d’avoir confiance en l’autre. L’unité devient donc utopique, les impérialistes nous divisent, les politiques nous divisent, nous ne nous réunissons qu’autour de domaine dont l’impact sur notre avenir est très peu significatif. Nous rigolons de tout pour éviter de pleurer ; nous racontons l’histoire des autres pour oublier les traumatismes de notre propre histoire.

Toute cette tristesse, toute cette honte, toute cette culpabilité que nous refusons d’exprimer, c’est pénible, c’est horrible, c’est emprisonnant, c’est inacceptable, c’est inadmissible !

Pour moi, tout cela montre la nécessité de briser le silence. En parlant de nos douleurs, elles deviennent beaucoup plus réelles, les rendre réelles permet de mieux se pencher sur elles, les comprendre pour ensuite y remédier.

Les humains que nous sommes méritent la paix, la paix intérieure d’abord pour que le reste suive.

C’est la thérapie des mots à l’écrit ou à l’oral : extérioriser le mal, c’est le tout premier pas.

J’ai choisi mon fardeau : promouvoir l’égalité des sexes et encourager les Africains et Africaines à réaliser leurs rêves. Telle est ma mission à travers mes écrits. Ceci est une nouvelle naissance, à travers ce recueil je nais de nouveau et j’avance vers la prochaine étape, celle des actions concrètes. J’ai suffisamment parlé de masculinité toxique et de changement. Maintenant, il est temps d’agir. Je ne vous cache pas que j’ai peur de me casser la figure, mais j’ai la conviction que ce vers quoi j’avance est nécessaire. Sans prétendre être un messie, je pense que j’ai le devoir d’agir en conformité avec ce que je pense.






Je vous propose un voyage littéraire au cœur de mes émotions les plus folles. Ma plume engagée et enragée vous dévoile mon monde haut en couleur et les nuances de ma matière grise. Plus Artisan qu’Artiste, les mots sont ma matière première.

La Maison des Féminismes Africains (LMdFA) est financée par le Goethe-Institut en Afrique subsaharienne
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